Compte rendu par Sylvain Delbès de la conférence du 21 mars 2015 de Pierre Brunel sur le thème
"RIMBAUD ET LA GUERRE"
Avec « Rimbaud et la guerre », Pierre Brunel nous présente un sujet si peu traité qu’on peut même le qualifier d’inédit parmi toutes les études consacrées au poète .
Il s’agit tout d’abord de chercher l’occurrence du mot et les différentes allusion à la guerre et ses corollaires dans l’œuvre de Rimbaud, ainsi que dans ses correspondances.
Pierre Brunel commence son exposé avec un des poèmes publiés du vivant de Rimbaud « Les corbeaux », en 1872 dans La Renaissance Littéraire & Artistique.
Présenté comme patriotique, il a été retenu parmi d’autres pièces que Rimbaud avait envoyées à la revue. Le traumatisme encore récent de la guerre peut expliquer que le poème « Les corbeaux » ait été préféré à celui, pourtant plus novateur « Les Voyelles ». Le thème central est la nature dévastée par la guerre. Les corbeaux peuvent évoquer les soldats prussiens qui ont chassé les fauvettes de mai. L’hiver destructeur, vision symbolique de la guerre, se substitue à l’ambiance printanière d’un pays en paix.
Pierre Brunel propose un petit retour en arrière, vers 1864, en examinant dans « le cahier des dix ans » un texte qui ressemble à un brouillon d’écolier pour une rédaction. Dans le prologue, Arthur Rimbaud cite un officier imaginaire, né à Reims dont il décrit la physionomie et le tempérament. Il est alors frappant d’observer les similitudes de ce personnage avec le père de Rimbaud, Frédéric, né en 1814, et qui partit pour la guerre de Crimée en 1855, un an après la naissance d‘Arthur. Le père est militaire de carrière toujours en opération extérieure qui ne revient qu’épisodiquement, notamment pour faire des enfants à son épouse. Âgé de 6 ans à peine, Rimbaud le verra une dernière fois en 1860, au moment de la naissance d’Isabelle, le dernier enfant du couple. Après cela, le militaire abandonne sa famille pour toujours et après un long séjour en Afrique du Nord, meurt à Dijon en 1878, au moment même où Rimbaud embarque à Gênes pour Alexandrie.
Ces exemples soulignent les liens permanents entre l’existence même de Rimbaud et la guerre.
Dans une lettre adressée à Théodore de Banville, en mai 1870, Arthur fait allusion au printemps. Mais dans le contexte géopolitique du moment, on ne peut croire que Rimbaud se limite à l’aspect bucolique de la saison. Il y a alors une forte présomption de la guerre qui va éclater. En effet, depuis 1866, la guerre menace. Bismarck mène ses guerres préparatrices en Allemagne, et notamment contre l’Autriche. Napoléon III, le premier à s’inquiéter de cette menace, déclenche le conflit. Le 14 juillet, mobilisation générale, puis fin juillet, déclaration de guerre à la Prusse.
En pleine guerre, Rimbaud fugue à Paris et son escapade se termine dans la prison de Mazas où il aurait écrit le poème « aux morts de Valmy » dans lequel il moque l’engagement patriotique et l’incohérence des Cassagnac, rédacteurs du journal « Le Pays » quand ils exhortent les Français de 1870 à se souvenir de leurs pères, morts en 1792 et 1793 lors des guerres menées par la Convention à Valmy, Fleurus et en Italie contre les ennemis de la France.
Selon Rimbaud, cela consiste à réveiller les morts de la République pour encourager les vivants sous le règne de l’empereur Napoléon III à se battre contre un autre roi, celui de Prusse.
Dans le poème « Le Mal », c’est Dieu qui est la cible des griefs de Rimbaud. Voilà un dieu dormant, que Pierre Brunel est tenté de surnommer le « Dormeur du Mal » qui ne se réveille que pour toucher l’obole que lui versent des mères éplorées par la perte de leur enfant.
Cette saillie antireligieuse est à opposer à la vision christique du Dormeur du val, figure de la Passion, avec ses deux trous rouges au côté droit, ainsi qu’au « million de Christs aux yeux sombres et doux » les soldats « morts de Valmy ».
A propos de l’identité du dormeur du val, le poème ne précise pas s’il porte l’uniforme français ou prussien.
A la même époque, le poète Théodore de Banville, avec qui on l’a vu, Rimbaud est en contact, a écrit un poème en allusion à un soldat prussien mort. C’est un soldat mort, et quel que soit le camp, la guerre tue des jeunes gens.
Après son séjour à Douai, le mot « guerre » apparaît clairement en post-scriptum dans une lettre adressée à son professeur Georges Izambard datée du 2 novembre 1870. Il critique l’attitude des habitants de Charleville, de leur patriotisme ridicule, et des velléités de franc-tireur de certains dans l’attente du siège de Charleville, qui ne surviendra que le 31 décembre 1870.
Si les griefs de Rimbaud contre la guerre sont récurrents, ils ne résument pas la position unique de Rimbaud.
Son ami, Ernest Delahaye, en témoigne dans les conversations qu’il a eu avec Arthur, alors qu’ils marchaient ensemble dans la campagne ardennaise, réussissant à s’éloigner un peu de la guerre sévissant dans les deux villes voisines de Charleville et Mézières. Rimbaud se montre également partisan d‘une nécessité de « destruction absolue », causée par la guerre.
Est-ce pour rebâtir un monde neuf ?
Pourtant lors de son séjour parisien en février-mars 1871, il visite les librairies et déplore que toute la littérature qui paraisse soit entièrement consacrée à la guerre qui vient de s’achever. Dans sa lettre du 17 avril 1871 à Paul Demeny, Rimbaud dresse une bibliographie critique et quasi exhaustive des publications du moment.
Seuls les dessins et gravures satiriques trouvent grâce à ses yeux. Il se range alors clairement dans le camp de la dérision plutôt que de la célébration.
Parmi les trois poèmes qui accompagnent la version de la « lettre du Voyant », adressée à Paul Demeny en 1871 se trouve « Le chant de guerre parisien ».
Sauf qu’il ne s’agit plus de la guerre contre la Prusse, mais de la guerre civile, surnommée la Commune, qui vient d’éclater à Paris avec l’armée de Versailles envoyée pour réprimer les insurgés par Thiers, nommément cité dans le poème.
Rimbaud se montre constant et cohérent dans son exécration de la guerre.
En 1872, dans une des premières versions de l’Eternité, l’expression « âme sentinelle » emprunte au vocabulaire militaire sa notion de guetteur.
Le poème disparu « les veilleurs » surnommé par Verlaine comme le chef d’œuvre inconnu de Rimbaud est évoqué plus tard comme une possible allusion à cette notion de vigilance guerrière.
D’autres thèmes comme la faim et la soif, celle des soldats en caserne, par exemple, sont présents dans l’œuvre de Rimbaud, beaucoup plus tard, en octobre 1875, dans une lettre à Ernest Delahaye: « on a faim dans la chambrée …».
Entre plusieurs noms de fromages, le nom de Keller est cité et fait référence au député qui s’était opposé en vain à la perte de l’Alsace et la Lorraine au profit de l’Allemagne.
En 1873, dans une « Saison en enfer », le passage intitulé « Mauvais sang » est entièrement consacré à la guerre, et illustre le sort du pauvre bougre envoyé au front qui n’a pas d’autre issue que de se sacrifier en menant « la vie française » , il doit mourir en suivant « le sentier de l’honneur ».
Pierre Brunel nous fait observer que la guerre est dans l’œuvre de Rimbaud comme dans sa vie.
Rimbaud a aussi connu la guerre « avec l’autre », c’est-à-dire Verlaine, leur relation tumultueuse et violente s’est terminée dans le sang et de surcroit avec l’aide d’une arme à feu.
Il y a également la « guerre en moi », manifestée par la formule « Je est un autre ». La lettre du voyant illustre parfaitement cette guerre déclarée à lui-même. Il doit chasser ou détruire cet autre lui-même, afin d’installer par la force un « nouveau moi ».
Le poète se fait voyant par un long et immense dérèglement de tous les sens dit Rimbaud. Ce remplacement de lui-même est brutal.
Il existe bien des contradictions dans la vie de Rimbaud vis-à-vis de la guerre.
C’est le même Rimbaud qui fuit incessamment le service militaire mais qui s’engage dans l’expédition hollandaise de Batavia. Il désertera peu après vers Java.
Dans ses lettres, Rimbaud raconte qu’il a eu le projet de s’engager dans la marine américaine et s’est présenté à cet effet comme un militaire du même régiment que son père.
Depuis Harar en Abyssinie, Rimbaud moque la folie des pays Européens qui ont englouti des millions pour disposer de ports dans la Mer Rouge pour un intérêt stratégique dérisoire.
Mais lui-même ne s’est-il pas investi corps et âme dans un trafic de fusils avec le roi Ménélik ?
Un poète antimilitariste se faisant marchand d’armes, voilà qui montre une fois de plus la richesse et la complexité de ce sujet, et telle est la conclusion de la conférence de Pierre Brunel.
Je me permets d’intervenir à la fin de cette conférence en évoquant une piste non explorée au sujet du « rêve de Bismarck», publié dans le Progrès des Ardennes en 1870 sous le pseudonyme de Jean Baudry.
Évidemment l’incertitude de l’issue de la guerre justifie le choix d’un nom d’emprunt. Si les Ardennes devaient être un jour sous le joug allemand, il ne valait mieux pas se vanter d’avoir critiqué Bismarck dans une publication.
En l’occurrence, Arthur Rimbaud est un habitué des noms d’emprunts tel Alcide Bava.
Je fais remarquer que Baudry est le verlan littéral de ribaud. Outre la coïncidence de l’assonance manifeste avec Rimbaud, je veux étayer ma théorie avec les trois définitions du mot ribaud tirées du Larousse du XIXème, dont chacune peut prendre sens avec la personnalité du poète.
Le ribaud désigne à cette époque une personne débauchée qui fréquente les lieux mal famés comme les maisons de prostitution. Le mot vient du moyen-âge et désignait d’abord un soldat de la garde de Philippe Auguste chargée de sa sécurité, et armé de gourdin.
Puis au XIVème et XVème siècle, le ribaud est l’officier de la maison du roi à la fois chargé de la police intérieure du palais et de la surveillance des maisons de jeu et de prostitution.
Enfin, la plus intéressante des définitions pour le sujet traité arrive en troisième position et s’applique aux aventuriers qui suivaient les armées en quête de pillage, bref un pilleur et un possible détrousseur de cadavre de soldat.
Le caractère franc-tireur de l’article n’est pas étranger, selon mon point de vue, au choix malicieux par Rimbaud d’un pseudonyme ayant ce double-fond dans la symbolique, et qui se rattache une fois de plus à la thématique du jour. Enfin, je rapproche ce souci du pseudonyme à l’éternelle fuite de Rimbaud, toujours inquiet d’être rappelé à ses obligations militaires, même estropié, et qui entre à l’hôpital de Marseille sous le nom de Jean Rimbaud.
Pierre Brunel accueille favorablement cette hypothèse.
Il s’agit tout d’abord de chercher l’occurrence du mot et les différentes allusion à la guerre et ses corollaires dans l’œuvre de Rimbaud, ainsi que dans ses correspondances.
Pierre Brunel commence son exposé avec un des poèmes publiés du vivant de Rimbaud « Les corbeaux », en 1872 dans La Renaissance Littéraire & Artistique.
Présenté comme patriotique, il a été retenu parmi d’autres pièces que Rimbaud avait envoyées à la revue. Le traumatisme encore récent de la guerre peut expliquer que le poème « Les corbeaux » ait été préféré à celui, pourtant plus novateur « Les Voyelles ». Le thème central est la nature dévastée par la guerre. Les corbeaux peuvent évoquer les soldats prussiens qui ont chassé les fauvettes de mai. L’hiver destructeur, vision symbolique de la guerre, se substitue à l’ambiance printanière d’un pays en paix.
Pierre Brunel propose un petit retour en arrière, vers 1864, en examinant dans « le cahier des dix ans » un texte qui ressemble à un brouillon d’écolier pour une rédaction. Dans le prologue, Arthur Rimbaud cite un officier imaginaire, né à Reims dont il décrit la physionomie et le tempérament. Il est alors frappant d’observer les similitudes de ce personnage avec le père de Rimbaud, Frédéric, né en 1814, et qui partit pour la guerre de Crimée en 1855, un an après la naissance d‘Arthur. Le père est militaire de carrière toujours en opération extérieure qui ne revient qu’épisodiquement, notamment pour faire des enfants à son épouse. Âgé de 6 ans à peine, Rimbaud le verra une dernière fois en 1860, au moment de la naissance d’Isabelle, le dernier enfant du couple. Après cela, le militaire abandonne sa famille pour toujours et après un long séjour en Afrique du Nord, meurt à Dijon en 1878, au moment même où Rimbaud embarque à Gênes pour Alexandrie.
Ces exemples soulignent les liens permanents entre l’existence même de Rimbaud et la guerre.
Dans une lettre adressée à Théodore de Banville, en mai 1870, Arthur fait allusion au printemps. Mais dans le contexte géopolitique du moment, on ne peut croire que Rimbaud se limite à l’aspect bucolique de la saison. Il y a alors une forte présomption de la guerre qui va éclater. En effet, depuis 1866, la guerre menace. Bismarck mène ses guerres préparatrices en Allemagne, et notamment contre l’Autriche. Napoléon III, le premier à s’inquiéter de cette menace, déclenche le conflit. Le 14 juillet, mobilisation générale, puis fin juillet, déclaration de guerre à la Prusse.
En pleine guerre, Rimbaud fugue à Paris et son escapade se termine dans la prison de Mazas où il aurait écrit le poème « aux morts de Valmy » dans lequel il moque l’engagement patriotique et l’incohérence des Cassagnac, rédacteurs du journal « Le Pays » quand ils exhortent les Français de 1870 à se souvenir de leurs pères, morts en 1792 et 1793 lors des guerres menées par la Convention à Valmy, Fleurus et en Italie contre les ennemis de la France.
Selon Rimbaud, cela consiste à réveiller les morts de la République pour encourager les vivants sous le règne de l’empereur Napoléon III à se battre contre un autre roi, celui de Prusse.
Dans le poème « Le Mal », c’est Dieu qui est la cible des griefs de Rimbaud. Voilà un dieu dormant, que Pierre Brunel est tenté de surnommer le « Dormeur du Mal » qui ne se réveille que pour toucher l’obole que lui versent des mères éplorées par la perte de leur enfant.
Cette saillie antireligieuse est à opposer à la vision christique du Dormeur du val, figure de la Passion, avec ses deux trous rouges au côté droit, ainsi qu’au « million de Christs aux yeux sombres et doux » les soldats « morts de Valmy ».
A propos de l’identité du dormeur du val, le poème ne précise pas s’il porte l’uniforme français ou prussien.
A la même époque, le poète Théodore de Banville, avec qui on l’a vu, Rimbaud est en contact, a écrit un poème en allusion à un soldat prussien mort. C’est un soldat mort, et quel que soit le camp, la guerre tue des jeunes gens.
Après son séjour à Douai, le mot « guerre » apparaît clairement en post-scriptum dans une lettre adressée à son professeur Georges Izambard datée du 2 novembre 1870. Il critique l’attitude des habitants de Charleville, de leur patriotisme ridicule, et des velléités de franc-tireur de certains dans l’attente du siège de Charleville, qui ne surviendra que le 31 décembre 1870.
Si les griefs de Rimbaud contre la guerre sont récurrents, ils ne résument pas la position unique de Rimbaud.
Son ami, Ernest Delahaye, en témoigne dans les conversations qu’il a eu avec Arthur, alors qu’ils marchaient ensemble dans la campagne ardennaise, réussissant à s’éloigner un peu de la guerre sévissant dans les deux villes voisines de Charleville et Mézières. Rimbaud se montre également partisan d‘une nécessité de « destruction absolue », causée par la guerre.
Est-ce pour rebâtir un monde neuf ?
Pourtant lors de son séjour parisien en février-mars 1871, il visite les librairies et déplore que toute la littérature qui paraisse soit entièrement consacrée à la guerre qui vient de s’achever. Dans sa lettre du 17 avril 1871 à Paul Demeny, Rimbaud dresse une bibliographie critique et quasi exhaustive des publications du moment.
Seuls les dessins et gravures satiriques trouvent grâce à ses yeux. Il se range alors clairement dans le camp de la dérision plutôt que de la célébration.
Parmi les trois poèmes qui accompagnent la version de la « lettre du Voyant », adressée à Paul Demeny en 1871 se trouve « Le chant de guerre parisien ».
Sauf qu’il ne s’agit plus de la guerre contre la Prusse, mais de la guerre civile, surnommée la Commune, qui vient d’éclater à Paris avec l’armée de Versailles envoyée pour réprimer les insurgés par Thiers, nommément cité dans le poème.
Rimbaud se montre constant et cohérent dans son exécration de la guerre.
En 1872, dans une des premières versions de l’Eternité, l’expression « âme sentinelle » emprunte au vocabulaire militaire sa notion de guetteur.
Le poème disparu « les veilleurs » surnommé par Verlaine comme le chef d’œuvre inconnu de Rimbaud est évoqué plus tard comme une possible allusion à cette notion de vigilance guerrière.
D’autres thèmes comme la faim et la soif, celle des soldats en caserne, par exemple, sont présents dans l’œuvre de Rimbaud, beaucoup plus tard, en octobre 1875, dans une lettre à Ernest Delahaye: « on a faim dans la chambrée …».
Entre plusieurs noms de fromages, le nom de Keller est cité et fait référence au député qui s’était opposé en vain à la perte de l’Alsace et la Lorraine au profit de l’Allemagne.
En 1873, dans une « Saison en enfer », le passage intitulé « Mauvais sang » est entièrement consacré à la guerre, et illustre le sort du pauvre bougre envoyé au front qui n’a pas d’autre issue que de se sacrifier en menant « la vie française » , il doit mourir en suivant « le sentier de l’honneur ».
Pierre Brunel nous fait observer que la guerre est dans l’œuvre de Rimbaud comme dans sa vie.
Rimbaud a aussi connu la guerre « avec l’autre », c’est-à-dire Verlaine, leur relation tumultueuse et violente s’est terminée dans le sang et de surcroit avec l’aide d’une arme à feu.
Il y a également la « guerre en moi », manifestée par la formule « Je est un autre ». La lettre du voyant illustre parfaitement cette guerre déclarée à lui-même. Il doit chasser ou détruire cet autre lui-même, afin d’installer par la force un « nouveau moi ».
Le poète se fait voyant par un long et immense dérèglement de tous les sens dit Rimbaud. Ce remplacement de lui-même est brutal.
Il existe bien des contradictions dans la vie de Rimbaud vis-à-vis de la guerre.
C’est le même Rimbaud qui fuit incessamment le service militaire mais qui s’engage dans l’expédition hollandaise de Batavia. Il désertera peu après vers Java.
Dans ses lettres, Rimbaud raconte qu’il a eu le projet de s’engager dans la marine américaine et s’est présenté à cet effet comme un militaire du même régiment que son père.
Depuis Harar en Abyssinie, Rimbaud moque la folie des pays Européens qui ont englouti des millions pour disposer de ports dans la Mer Rouge pour un intérêt stratégique dérisoire.
Mais lui-même ne s’est-il pas investi corps et âme dans un trafic de fusils avec le roi Ménélik ?
Un poète antimilitariste se faisant marchand d’armes, voilà qui montre une fois de plus la richesse et la complexité de ce sujet, et telle est la conclusion de la conférence de Pierre Brunel.
Je me permets d’intervenir à la fin de cette conférence en évoquant une piste non explorée au sujet du « rêve de Bismarck», publié dans le Progrès des Ardennes en 1870 sous le pseudonyme de Jean Baudry.
Évidemment l’incertitude de l’issue de la guerre justifie le choix d’un nom d’emprunt. Si les Ardennes devaient être un jour sous le joug allemand, il ne valait mieux pas se vanter d’avoir critiqué Bismarck dans une publication.
En l’occurrence, Arthur Rimbaud est un habitué des noms d’emprunts tel Alcide Bava.
Je fais remarquer que Baudry est le verlan littéral de ribaud. Outre la coïncidence de l’assonance manifeste avec Rimbaud, je veux étayer ma théorie avec les trois définitions du mot ribaud tirées du Larousse du XIXème, dont chacune peut prendre sens avec la personnalité du poète.
Le ribaud désigne à cette époque une personne débauchée qui fréquente les lieux mal famés comme les maisons de prostitution. Le mot vient du moyen-âge et désignait d’abord un soldat de la garde de Philippe Auguste chargée de sa sécurité, et armé de gourdin.
Puis au XIVème et XVème siècle, le ribaud est l’officier de la maison du roi à la fois chargé de la police intérieure du palais et de la surveillance des maisons de jeu et de prostitution.
Enfin, la plus intéressante des définitions pour le sujet traité arrive en troisième position et s’applique aux aventuriers qui suivaient les armées en quête de pillage, bref un pilleur et un possible détrousseur de cadavre de soldat.
Le caractère franc-tireur de l’article n’est pas étranger, selon mon point de vue, au choix malicieux par Rimbaud d’un pseudonyme ayant ce double-fond dans la symbolique, et qui se rattache une fois de plus à la thématique du jour. Enfin, je rapproche ce souci du pseudonyme à l’éternelle fuite de Rimbaud, toujours inquiet d’être rappelé à ses obligations militaires, même estropié, et qui entre à l’hôpital de Marseille sous le nom de Jean Rimbaud.
Pierre Brunel accueille favorablement cette hypothèse.
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